Le Syndicat National des Professionnel·les de la Petite Enfance (SNPPE) alerte sur la décision du Gouvernement de créer un titre professionnel de niveau IV dans la filière petite enfance, équivalent au diplôme d’Etat auxiliaire de puériculture, mais délivré hors cadre de diplôme d’État.
Présentée comme une réponse aux difficultés d’accès à la VAE et comme un outil de structuration de la filière petite enfance, cette réforme soulève de graves inquiétudes tant sur le fond que sur la forme. Elle risque de désorganiser davantage encore la filière, de déqualifier les métiers, et de mettre à mal les engagements récents du gouvernement sur la qualité de l’accueil du jeune enfant.
Une décision précipitée, prise en dehors de toute logique de concertation
Annoncée par la présidence du comité de filière petite enfance, cette décision a été prise : – sans concertation réelle avec les membres du comité, – sans implication des associations professionnelles, – et sans articulation avec les diplômes existants : DEAP, IDE, IPDE (santé), CAP AEPE (éducation nationale), DEEJE (travail social)…
Aucune coordination n’a été engagée pour un enjeu aussi stratégique que la formation des professionnel·les de la petite enfance. Pour le SNPPE, c’est une faute majeure du ministère, alors même que le discours officiel valorise la qualité de l’accueil et l’intérêt supérieur de l’enfant.
Pourquoi confier l’élaboration de ce nouveau titre à l’AFPA, un organisme sans expertise dans ce champ ? Pourquoi opter pour un titre professionnel, et non pour un diplôme d’État reconnu et structurant ? Ces choix, non justifiés, interrogent la légitimité même du projet.
Une dilution des compétences plutôt qu’un renforcement
renforcer les connaissances dans les champs éducatifs et psychologiques, afin de mieux appréhender la globalité des besoins des jeunes enfants,
tout en maintenant un haut niveau d’expertise en soins, indispensable à la qualité d’accueil, notamment pour les enfants en situation de handicap, atteints de pathologies chroniques ou présentant des besoins spécifiques.
La complémentarité entre métiers est une richesse qu’il faut renforcer, et non éroder. Ce nouveau titre, centré exclusivement sur l’éducatif, risque d’écarter progressivement les AP des équipes, au détriment de la sécurité et de la santé des jeunes enfants.
Un contournement manifeste du décret 2025-304
Le décret n°2025-304 avait pour objectif clair de mettre fin aux dérogations dans les micro-crèches et d’élever le niveau de qualification requis. Ce nouveau titre envoie un signal inverse :
Il permettra aux titulaires du CAP AEPE d’obtenir, via la VAE, une reconnaissance en catégorie 1 (40 %) dans le Code de la Santé Publique,
Il autorisera le maintien de fonctionnements à un seul professionnel par structure.
Autrement dit, cette mesure offre une façade de conformité réglementaire. Elle semble conçue pour rassurer les gestionnaires, non pour répondre à l’urgence de qualité et de sécurité dans les établissements, en particulier les plus vulnérables.
Ce que révèlent nos échanges
Lors de deux rendez-vous avec le cabinet de la ministre A. Vautrin et la Direction Générale de la Cohésion Sociale (DGCS), le SNPPE a recueilli plusieurs éléments qui confirment ses craintes.
Le faible taux de réussite à la VAE du DEAP est présenté comme un motif de création de ce nouveau titre.
Il est indiqué que les CAP AEPE s’orientent rarement vers le DEAP, que de nombreuses auxiliaires de puériculturerejoignent le secteur hospitalier, et que la nécessaire évolution du DEAP, plusieurs fois discutée, se heurte à des blocages structurels entre les différentes administrations concernées.
La direction de projet du SPPE, chargée de piloter le travail avec l’AFPA, est avancée comme gage de qualité, mais aucune concertation avec le comité de filière ou les associations professionnelles n’est annoncée.
Enfin, aucune disposition réglementaire n’est envisagée à ce stade pour assurer durablement la présence d’Auxiliaires de Puériculture dans les équipes des EAJE, contrairement à ce qui existe pour d’autres professions comme les EJE ou les IPDE.
Lors de cet échange, la DGCS a exprimé une orientation visant à renforcer la filière éducative dans les EAJE et à réduire la place accordée à l’approche sanitaire, sans exclure à terme une moindre représentation des professionnels du soin dans les équipes.
Une inquiétante cohérence avec la réforme du travail social
Cette réforme ne peut être isolée. Elle s’inscrit dans un mouvement plus global de standardisation et de déqualification des métiers du lien.
Le SNPPE s’associe aux alertes lancées par les associations et les syndicats sur la réforme des diplômes de travail social de niveau 6, qui risque de diluer les spécificités professionnelles dès 2026
L’ANPDE a également exprimé ses inquiétudes quant à l’avenir du diplôme d’infirmier·e puériculteur·rice pointant les risques de dilution des spécificités métier dans les projets de réformes en cours.
Le Collège des infirmier·es puéricultrices (CNP IPDE) a exprimé son soutien plein et entier par une lettre envoyée aux membres du comité de filière petite enfance aux associations et syndicats sur la réforme des diplômes de travail social, en refusant toute uniformisation des formations au détriment de leur complémentarité.
Le SNPPE appelle à une inflexion claire
Le SNPPE s’interroge donc sur la création d’une qualification supplémentaire et exige :
Une concertation réelle, transparente et structurée, impliquant les membres du comité de filière, les syndicats, les fédérations et les professionnel·les.
Un référentiel de formation qui corresponde aux exigences actuelles de qualité de l’accueil du jeune enfant.
Une réflexion d’ensemble sur l’évolution des diplômes existants (DEAP, DEEJE, CAP AEPE), pour mieux les adapter aux réalités professionnelles.
Nous demandons également que soit discutée la question des pourcentages des différents métiers de la petite enfance, afin d’assurer la présence indispensable d’auxiliaires de puériculture dans les crèches.
Ce que nous défendons
Une filière cohérente, exigeante, respectueuse des spécificités et des complémentarités.
Des professionnel·les qualifié·es, reconnu·es, et formé·es à la hauteur des enjeux éducatifs, relationnels et sanitaires.
Des réformes qui ne soient pas dictées par la seule logique économique, mais par l’intérêt supérieur de l’enfant.
La qualité de l’accueil ne se bricole pas. Elle se construit avec exigence, respect et dialogue.
Le thème international de cette journée 2025 est clair : Les impacts de la digitalisation et de l’intelligence artificielle sur la sécurité et la santé des travailleurs. Et le secteur de la petite enfance a tout à gagner à se saisir de ces enjeux.
⚠️ Un secteur usant, mal protégé
Dans les EAJE, les MAM, les haltes-garderies… les professionnels subissent :
Des troubles musculo-squelettiques (TMS) fréquents dus aux gestes répétés, aux portages, aux mauvaises postures.
Un épuisement émotionnel lié à la surcharge affective, au manque de reconnaissance, à l’isolement dans certaines structures.
Des reconversions imposées, des inaptitudes précoces, voire des mises à la retraite d’office à 45 ou 50 ans.
Tout cela, dans un silence assourdissant. Parce que la santé des pros est encore trop souvent perçue comme secondaire dans les politiques publiques.
🤖 Et si la technologie servait enfin les professionnel·les ?
L’OIT invite cette année à explorer les pistes offertes par les nouvelles technologies. Elles ne sont pas la solution miracle, mais elles peuvent devenir de puissants leviers de prévention et d’amélioration des conditions de travail, à condition d’être pensées avec et pour les professionnel·les.
Voici quelques exemples prometteurs, peu ou pas encore exploités dans la petite enfance :
🛠️ Exosquelettes : pour soulager le port de charges et préserver le dos et les articulations.
📊 Analyse de données en SST : pour identifier les causes les plus fréquentes d’arrêts ou de souffrances et adapter les organisations.
🧩 Outils de planification intelligente : pour mieux répartir la charge, respecter les temps de pause et les amplitudes horaires légales.
🧠 Réalité virtuelle : pour former les équipes à la prévention des risques, aux gestes et postures, sans danger réel.
🕸️ Internet des objets (IoT) : pour automatiser certains contrôles d’hygiène ou d’ambiance sonore/température dans les sections.
🔍 Ces solutions existent, mais sont très peu accessibles aux structures petite enfance. Il est temps que les pouvoirs publics investissent sérieusement dans la prévention technologique adaptée à la petite enfance.
💬 Le SNPPE alerte : prévenir, ce n’est pas un luxe
Prévenir les maladies professionnelles et les risques psychosociaux, ce n’est pas du confort. C’est un droit fondamental.
✊ Le SNPPE demande :
Une politique nationale de prévention structurelle dans les EAJE.
Des investissements publics dans des outils numériques utiles aux pros, pas seulement aux gestionnaires.
L’application rigoureuse du Code du travail, du Code de la Santé Publique et des conventions collectives sur la santé au travail.
Le SNPPE informe que plusieurs fermetures sont en cours ou à venir dans les crèches gérées par Infans Group :
7 structures sont déjà fermées ou ferment d’ici fin avril,
27 autres sont susceptibles de fermer faute de repreneur.
Encore une fois, les professionnel·les sont confronté·es à l’incertitude, les familles à la désorganisation, et les enfants à une instabilité subie. Ces événements ne sont pas des cas isolés : ils sont la conséquence directe d’un modèle économique qui fait passer la rentabilité avant la qualité d’accueil.
Après les annonces de People & Baby, cette nouvelle vague de fermetures illustre la fragilité d’un secteur trop largement confié au privé lucratif.
Le SNPPE dénonce avec force cette nouvelle démonstration des effets délétères de la marchandisation de la petite enfance. Nous restons mobilisé·es pour accompagner toutes les professionnel·les concerné·es, en particulier nos adhérent·es, qui peuvent bénéficier d’un soutien individualisé.
Le SNPPE déplore avec force cette nouvelle annonce de fermeture de 44 établissements d’accueil du jeune enfant (EAJE) gérés par un acteur privé lucratif du secteur. Derrière le vocabulaire aseptisé de « redimensionnement » se cache une réalité brutale : des professionnel·les inquiet·es pour leur avenir, des enfants qui perdront leurs repères, des familles plongées dans la précarité de solutions de garde.
Cet épisode illustre, une fois encore, les dérives de la marchandisation du secteur de la petite enfance. Lorsqu’un gestionnaire privé mise sur la rentabilité à tout prix, ce sont toujours les mêmes qui trinquent : les salarié·es, les familles, et les enfants.
Le SNPPE rappelle que les EAJE ne peuvent pas être gérés comme de simples entreprises commerciales. L’accueil du jeune enfant est une mission d’intérêt général qui exige stabilité, qualité, et reconnaissance du travail des professionnel·les.
Le SNPPE reste pleinement mobilisé pour accompagner toutes les professionnel·les concerné·es, adhérent·es ou souhaitant le solliciter. Nous serons à leurs côtés pour les aider à faire valoir leurs droits, à défendre leur avenir professionnel et à ne pas rester seul·es face à cette décision injuste.
Nous appelons les pouvoirs publics à tirer les leçons de cet échec : il est urgent de mettre en place un véritable service public de la petite enfance, à l’abri des logiques de profit.
Après le succès de la chanson « Nous les Oublié·es » (adaptation de « Les Oubliés » de Gauvain Sers), qui a dépassé les 6 000 vues en deux semaines, et après « Le Cri des Oublié·es », semaine de publication de témoignages bouleversants sur les réalités du terrain, le SNPPE lance la troisième séquence de sa mobilisation en ligne : Le SOS des Oublié·es.
L’objectif ? Faire remonter collectivement les situations les plus critiques dans les crèches : celles qui mettent en danger les enfants, dégradent gravement les conditions de travail, ou soulèvent des problématiques financières inquiétantes. Et ce, en prenant au mot les conclusions de la commission d’information du Sénat, qui a pointé le manque criant de contrôles dans le secteur.
Ainsi, le SNPPE, avec le concours des professionnel·les de la petite enfance, s’attèle à « faire le job » demandé par le Sénat : identifier les lieux et les situations où des contrôles rapides s’imposent. Il semble pourtant que les autorités n’aient pas encore compris que ce travail de détection ne devrait pas reposer uniquement sur les salarié·es…
Le SNPPE espère
Comment agir concrètement ?
Vous êtes témoin d’une situation problématique ? Vous ne savez pas à qui adresser vos constats ? Le SNPPE vous propose plusieurs manières d’agir, selon votre situation, votre volonté d’anonymat, et votre capacité à vous engager plus ou moins directement.
🔹 1. Agir seul·e, en mettant le SNPPE en copie
C’est une option simple et rapide. Vous rédigez vous-même le signalement à l’administration concernée, en utilisant les modèles fournis par le SNPPE (voir plus bas). Dans votre courrier, vous pouvez ajouter l’adresse du SNPPE en copie (ou transférer après coup votre démarche). Cela permet :
D’assurer un suivi syndical,
D’appuyer votre signalement en cas de silence de l’administration,
D’intégrer votre alerte en la recensant dans une action collective plus large.
Le fait de mettre le syndicat en copie ne vous engage à rien, mais renforce la portée de votre signalement.
🔹 2. Agir avec l’aide du SNPPE
Vous pouvez aussi demander un accompagnement. Le SNPPE peut :
Vous aider à formuler votre signalement (mise en forme, vocabulaire, priorités à souligner),
Agir à votre place en transmettant lui-même les documents aux administrations compétentes, permettant d’agir anonymement si vous le souhaitez et si c’est possible
Faire pression collectivement pour que votre alerte soit prise au sérieux,
Vous orienter vers une aide juridique si nécessaire. En effet, en adhérant au SNPPE, vous bénéficiez d’une protection juridique incluse qui permet, entre autres, d’accéder à des renseignements juridiques via un prestataire qui peut ainsi compléter les conseils des membres du SNPPE.
🔹 3. Agir collectivement avec vos collègues
Si plusieurs collègues partagent le constat, vous pouvez décider d’envoyer un signalement collectif. Cela peut renforcer la crédibilité de votre alerte. Là aussi, le SNPPE peut vous aider à :
Rédiger un courrier commun,
Organiser une réunion d’information syndicale pour en parler,
Protéger l’anonymat des signataires si besoin.
Quelle administration saisir selon la situation ?
Voici quelques repères pratiques pour adresser vos signalements :
Type de problème constaté
Administration compétente
Mise en danger des enfants, hygiène, sécurité, encadrement insuffisant, non respect du Code de la Santé Publique
Service PMI (Protection Maternelle et Infantile) du Conseil départemental
Problèmes de droit du travail, heures supplémentaires non payées, pression, harcèlement
Inspection du travail et/ou médecine du travail
Atteinte aux droits fondamentaux des enfants et des professionnel·les
Défenseur des droits
Pratiques trompeuses ou illégales dans le contrat d’accueil des enfants
DDETSPP (Direction Départementale de l’Emploi, du Travail, des Solidarités et de la Protection des Populations) ou CCRF (via SignalConso éventuellement)
Risques sanitaires ou de sécurité dans une crèche
DDETSPP (Direction Départementale de l’Emploi, du Travail, des Solidarités et de la Protection des Populations) ou DDPP (Direction départementale de la Protection des populations)