Anciennement directrice puéricultrice de crèche pendant plus de 17 ans, je suis adjointe de direction dans le domaine RH depuis 12 ans dans une Association qui gère 5 EAJE de 54 à 60 places avec 140 salariés. J’ai vu évoluer de manière générale le secteur de la petite enfance et de  la crèche dans le sens du libéralisme et de la rentabilisation, depuis notamment l’instauration de la PSU et de l’entrée des crèches dans le secteur marchand. Sincèrement, il y a 18 ans, lorsque les crèches sont entrées dans le secteur marchand et à la vue des effets de la privatisation sur les établissements à vocation sociale ou de soins que nous constations déjà à cette époque (clinique, Ehpad,…), je projetais que les crèches allaient suivre la même triste destinée et transformation. Je ne me doutais pas à quel point ! Je réalise entre 80 et 100 entretiens de recrutements par an dont le nombre n’a cessé d’augmenter depuis 2017, qui est pour moi l’année où j’ai réellement senti la très forte pénurie de personnel. J’ai rencontré des professionnel-le-s diplômé-e-s (Puéricultrice, EJE, AP CAP AEPE) dont le niveau de connaissance et du sens du métier pour certain-es est extrêmement inquiétant. Nombreux sont les professionnel-e-s qui rapportent lors de l’entretien de recrutement les situations évoquées dans le rapport de l’IGAS. Mais comme vous le dites, le secteur professionnel de la petite enfance a essayé de se faire entendre depuis longtemps et en attendant, il continue à subir et les enfants avec !

Je suis en total accord avec toutes les réclamations de ce rapport, je dirais plutôt les urgentes nécessités, pour rendre aux crèches leurs missions première : Accompagner, soutenir et Prévenir, et aux professionnels les moyens de les mettre en œuvre. Si je peux me permettre, je pense que dans les réclamations, on ne parle pas de l’essoufflement, voir l’épuisement , vécu par les directeurs-rices des EAJE. Je constate dans le monde des crèches des responsables de crèches qui sont écrasés par une réglementation de plus en plus contraignante,  par des exigences d’activité difficile à réaliser (pour arriver seulement à l’équilibre budgétaire, et pas pour faire du bénéfice !). En effet, ils / elles doivent atteindre un nombre d’heures payées par les familles (lui-même obligatoirement cohérent avec les heures de présence des enfants) dans un système insuffisamment prévisible et très instable avec les absences des enfants pratiquement remboursées et qu’il faudra remplacer ou surbooker + la pénurie de personnel pour remplacer les salariés absents (absentéisme croissant) ou les postes de titulaires. Et bien sûr, tout cela  en gardant en tête les valeurs et les fondements des projets d’établissement. Impossible quadrature du cercle ! Ces directeurs passent beaucoup trop de temps à faire et refaire le plannings (parfois sur leur temps personnel !)  des professionnel-e-s et celui des enfants, les amenant à proposer certains créneaux libérés à des familles ou à de l’accueil occasionnel. Ils /elles passent du temps à contrôler, mettre en place toujours plus de procédures ou des protocoles de sécurité, d’hygiène, de plus en plus strict et coûteux et à tous les niveaux. Ils/Elles vivent avec une machine à calculer clouée dans la main et l’angoisse vissée au ventre, et bien entendu en gardant le sourire, la motivation et l’investissement . Ils/elles sont de plus en plus happé-e-s par de multiples fonctions et s’éloignent de + en + du terrain pour faire le vrai fond de leur travail : observer le travail des professionnels, évaluer les pratiques, s’entretenir avec eux / elles, reprendre des situations, construire ensemble et soutenir les projets des équipes, avoir le temps de vrais échanges collectifs avec les équipes et les parents…

Tout cela participe à prévenir les dérives professionnelles, encadrer les professionnel-e-s et les accompagner vers les bonnes pratiques, être à l’écoute des parents, leur donner la sécurité et la légitimité de leurs impressions…  

Créer et entretenir le lien et la confiance, pour le bien des enfants, des familles et des équipes.