Mme Tanzilli et la dérégulation continue

Mme Tanzilli, députée Renaissance, appartient à la même majorité ayant instauré la réforme NORMA, dernière étape de la dérégulation continue du secteur. Il a fallu le drame de Lyon en 2022 et la demande d’enquête de l’IGAS par un ministre pour que les politiques commencent à ouvrir les yeux. Cependant, les annonces ne coûtent rien et, pour l’instant, ce rapport risque de n’être qu’une annonce de plus.

Problèmes systémiques et dérégulation

Contrairement aux affirmations de la rapporteure, l’introduction du secteur privé lucratif a exacerbé les problèmes systémiques en augmentant le nombre d’enfants pris en charge avec moins de professionnel·les qualifié·es. La récente proposition de la FFEC d’embaucher des titulaires du CAP AEPE mineurs et de compter les apprentis dans l’effectif d’encadrement illustre cette dérive. Les micro-crèches installées dans les quartiers aisés (au détriment des secteurs ruraux ce pour quoi ce système dérogatoire avait été mis en place) ne font qu’aggraver les inégalités.

Constat d’un système à bout de souffle

Le constat d’un système à bout de souffle est partagé, et la majorité, dont fait partie Mme Tanzilli, a contribué à cette dérégulation. Les recommandations relèvent du bon sens, mais la question de leur mise en œuvre demeure. Quels moyens financiers et ressources de formation seront mobilisés pour augmenter significativement le nombre de professionnel·les afin d’atteindre un encadrement de 1 pour 4 d’ici 2030 ? Cette proposition semble être un effet d’annonce, car il est bien connu que cet objectif est irréaliste. Que fera-t-on alors ? Rien pour les professionnel·les, à part introduire une carte professionnelle. Pendant ce temps, le secteur privé lucratif continue à faire des profits considérables au détriment des enfants.

Critique de la marchandisation et du CIFAM

La marchandisation du secteur de la petite enfance n’est pas la cause unique des défaillances, mais le CIFAM, symbole de cette financiarisation, est vivement critiqué. L’implication du secteur marchand dans la petite enfance soulève des préoccupations légitimes. On laisse le privé lucratif continuer à s’enrichir sur le dos des enfants et des professionnel·les, ce qui est inacceptable.

Rôle des communes et EPCI

Plutôt que de centraliser tout au niveau communal, une approche collective avec les EPCI (communautés de communes, métropoles, etc.) est préférable. L’accueil du jeune enfant doit se faire à l’échelle d’un territoire, d’un bassin de vie, plutôt qu’au niveau d’une seule commune. Les communes rurales ou en difficulté n’ont pas les structures nécessaires pour faire face à la complexité de l’accueil du jeune enfant (réglementations, financements, etc.).

Réforme de la PSU

La PSU doit être complètement réformée, et cette proposition de la rapporteure est saluée.

Carte professionnelle et valorisation des acquis de l’expérience (VAE)

La carte professionnelle semble être un dispositif inutile et potentiellement nuisible. Elle risque de devenir un outil de diffamation, de règlements de comptes entre professionnel·les ou de la part des gestionnaires. Dans un contexte de crise, il est essentiel de ne pas reprendre l’argumentaire des gestionnaires privés lucratifs qui tentent de réduire les incidents à des problèmes individuels. L’IGAS et ce rapport de la commission d’enquête parlementaire insistent bien sur le fait qu’il s’agit d’une problématique systémique. Il ne faut pas que cette mesure soit l’arbre qui cache la forêt. Le SNPPE réitère son souhait que les travaux des candidats aux métiers de la petite enfance soient rigoureusement contrôlés pour éviter les risques de plagiat et d’utilisation de l’IA, qui décrédibilisent les formations. Cette carte ressemble davantage à un registre des mauvais·es professionnel·les. Dans un secteur en souffrance, il est préférable de laisser la justice traiter les abus et les dérives, et de valoriser socialement les professionnel·les en augmentant significativement leurs salaires, en améliorant leurs conditions de travail, et en renforçant considérablement l’encadrement des enfants.

Il est également crucial de revenir à une véritable valorisation des acquis de l’expérience avec une réelle expérience justifiée. Actuellement, il est possible d’obtenir le DEAP sans avoir mis les pieds en maternité ni en pédiatrie. Cette situation décrédibilise la formation des AP, qui est censée être essentiellement sanitaire. De plus, permettre à un AP de passer le DEEJE après seulement un an d’expérience, et de l’obtenir grâce à une certaine aisance orale et à des travaux achetés, ne favorise pas l’émergence de professionnel·les de qualité. Pour revaloriser nos métiers, il est impératif de s’assurer que l’expérience et les compétences des candidats soient réellement reconnues et vérifiées.

Conclusion et revendications

Le SNPPE exige des actions concrètes et immédiates pour réformer en profondeur le secteur de la petite enfance. Nous demandons :

  1. Plus que jamais, une revalorisation des salaires : Est-ce qu’un jour, les professionnel·le·s verront une augmentation significative en bas de leur fiche de paie (minimum 300 euros nets par mois)? Comment faire face à une crise si les professionnel·le·s n’obtiennent aucune reconnaissance sociale et salariale pour le service rendu à la société ?
  2. Conditions de travail : Mettre en place des mesures concrètes pour améliorer significativement les conditions de travail des professionnel·le­s de la petite enfance, incluant la prévention des risques psychosociaux et l’amélioration des infrastructures.
  3. Des financements cohérents : Allouer les ressources financières nécessaires pour augmenter significativement le nombre de professionnel·les qualifié·es et atteindre un encadrement de 1 pour 4 souhaité par le rapport.
  4. Des formations de qualité : Renforcer les programmes de formation et s’assurer que les qualifications reflètent une expérience réelle et justifiée.
  5. Une réforme globale des systèmes de financement des EAJE : Revoir entièrement les systèmes de PSU et CMG/PAJE pour garantir un financement équitable et adapté aux besoins des crèches et des familles.

Il est temps de cesser les effets d’annonce et de mettre en place des mesures efficaces pour protéger les enfants, valoriser les professionnel·les et garantir un avenir digne à la petite enfance en France.