Le rapport de l’IGAS a été demandé par le ministre Jean-Christophe COMBES, ministre des Solidarités, de l’Autonomie et des Personnes handicapées, à la suite du décès d’une enfant dans une micro-crèche l’été dernier.

Suite à des retours massifs d’expériences des familles (environ 27000 réponses) et des professionnel.les de terrain (autour de 17000 réponses : 5000 pour les dir 12000 pour les autres pros), mais également à des enquêtes de terrain et immersions (crèches de toute taille et leurs professionnel.le.s – CAF – PMI – syndicats – associations – communes – chef lieu – experts – chercheurs, etc.) sur 8 départements, ce rapport a permis de “croiser les préoccupations et multiplier les regards” sur un secteur d’activité sans cesse dé-réglementé comme le dénonce également depuis de nombreuses année le collectif Pas de bébés à la consigne dont la Fneje et le SNPPE sont des membres actifs.

Ce rapport reconnaît avec force et détails les différents facteurs qui empêchent l’organisation d’un accueil de qualité dans les EAJE. Bien que les conditions d’accueil recensées soient très hétérogènes, sur le plan systémique global, ces conditions ne garantissent pas la qualité d’accueil annonce l’IGAS. Les enquêteurs insistent sur le fait que la question du développement et bien-être du jeune enfant n’a pas été posée comme objectif principal par les politiques ces dernières années. Le référentiel bâtimentaire et la charte nationale sont les deux seuls 1ers pas, bien loin d’être suffisants. 

Ce rapport, au-delà de témoignages de professionnel.le.s défaillant.e.s, dénonce fermement les causes de tout un système qui induisent les maltraitances et la perte de la qualité d’accueil dans les crèches. Ce sont bien les choix de toute la politique Petite Enfance depuis des années et encore plus depuis la réforme Norma qui sont remis en cause.

Selon ce rapport, la prévention de la maltraitance correspond à la prise en charge collectivement “d’un nouveau regard, de nouvelles représentations” des métiers du care pour en finir avec le triste “ Amusez-vous bien” qui réduit notre profession à un temps juste récréatif. Surtout, la prévention de la maltraitance doit s’inscrire dans la lutte contre la dégradation des conditions de travail. Cela consiste, d’après le rapport, à adapter les locaux pour apporter aux usagers des espaces de repos, de vie dignes et à la hauteur du point 9 de la Charte Nationale de la Petite Enfance; à repenser un socle commun des diplômes pour articuler de manière qualitative la complémentarité des formations.

Nous n’oublions pas non plus que ce rapport n’a pas enquêté sur nos pairs qui travaillent dans les crèches familiales, qui travaillent dans l’accueil individuel. Nous savons que vous subissez aussi les conséquences de ces années de politique de la petite enfance dont la priorité a mis l’accent sur la création de places en oubliant la qualité des conditions de travail de ceux et celles qui sont en première ligne pour aider la société à bien traiter les enfants accueillis.

Au SNPPE, nous dénonçons depuis notre création les déviances institutionnelles qui maltraitent autant les professionnel.le.s que les enfants.

Reprenons un peu les analyses et recommandations de l’IGAS: elles vous évoqueront bien des choses….

  1. D’abord, la surreprésentation des établissements avec des sections aux effectifs “entre 20 et 30 enfants dans une même pièce”. C’est la reconnaissance de la dureté et la pénibilité de ces environnements de socialisation autant côté enfant que professionnel qui est enfin reconnue grâce à ce rapport. Cela fait écho avec les 7m² réduit à 5,5m² en zone dense pour accueillir toujours plus d’enfants dans un même espace, ce que nous avions dénoncé suite à la loi Norma, en exigeant un minimum de 7m² par enfant qu’importe la zone.
  2. Le rapport insiste aussi sur “le non-respect des taux d’encadrement”. L’IGAS conclut que les normes actuelles ne rejoignent pas le consensus scientifique et les témoignages des professionnel.le.s. La recommandation est que ces normes actuelles soient un minimum sécuritaire mais qu’elles soient réévaluées pour tendre à une norme qualitative que le collectif Pas de bébés à la consigne réclame depuis plus de 2 ans avec la moyenne d’un.e professionnel.le pour 5 enfants en visant le 1 pro pour 3 enfants non-marcheurs et 1 pour 5 enfants marcheurs. 
  3. Sur les risques d’embaucher “des professionnel.les en manque de connaissances sur le développement global des jeunes enfants”. C’est avec une certaine émotion empreinte de colère que nous percevons que la sirène d’alarme est enfin déclenchée au niveau du Ministre. L’IGAS dénonce des professionnel.le.s trop peu formés au regard de ces métiers exigeants et des besoins des jeunes enfants. 
  4. Les critères structurels et institutionnels induisent une baisse de la qualité d’accueil et surtout, des maltraitances. L’IGAS déplore par exemple le fait qu’aucune discussion sur les grandes amplitudes horaires – entre 8 et 10h/j –  faites par les enfants en établissement dans un environnement stressant (bruit, mouvement, etc) n’ait eu lieu. Cela a été fait pour le système scolaire, or les moins de 3 ans sont encore plus vulnérables et il y a urgence à lancer une réflexion
  5. Le bâti est lui aussi mis en cause. Un champ hétérogène mais beaucoup trop de structures vieillissantes, mal adaptées à l’organisation du quotidien, ou ayant des espaces qui ne permettent pas la sécurité affective et les besoins de motricité, pourtant cités comme essentiels dans le rapport des 1000 premiers jours.
  6. Les modèles financiers PSU comme PAJE ont atteint leur limite. L’IGAS exige de revoir les modalités de financement pour les amener à un gage de qualité et non à un modèle de rentabilité comme actuellement. Il recommande de travailler conjointement en tripartite (Branche famille / Etablissements / Tiers) pour gagner en transparence, définir qui finance quoi en lien avec les exigences de qualités. Le modèle horaire est dénoncé tout comme le modèle PAJE, tous deux très axés financier, ne permettant pas l’accueil de tous les enfants et induisant des biais de rentabilité. Pas de bébés à la consigne réclamait que le restant à charge des familles soit aligné sur la base du quotient familial.
  7. L’IGAS demande aussi de réformer la PMI pour aider à gagner en qualité. Par exemple: se ré-orienter vers la qualité du relationnel/bien-être et moins de sanitaire et bâtimentaire. Pour ce faire: embaucher plus d’EJE, harmoniser les PMI sur les normes de base sans conduire à empêcher le regard et jugement des contrôleurs qui ne sont pas des cocheurs de grilles, dixit L’IGAS.

Il est urgent que le gouvernement saisisse à bras le corps les retours des professionnel.le.s de terrain qui alertent depuis toutes ces années sur une réalité que constate aujourd’hui l’IGAS.

Si ce rapport de l’IGAS est “un tableau noir”, les enquêteur.ices informent et insistent sur la forte implication et engagement des professionnel.les qui “ quand ielles ne sont pas en souffrance et en difficultés” expriment leurs motivation à exercer un métier épanouissant et essentiel au bien-être de la société. Ces professionnel.le.s souhaitent faire avancer les choses pour augmenter la qualité d’accueil, nous aussi alors écoutez nous et agissez!

Si ce rapport est salué à la quasi unanimité, certaines voix s’élèvent déjà en agitant les risques “d’une tempête” soulevée par un déferlement des inquiétudes des familles qui pourraient prendre peur et retirer leurs enfants des mains de professionnel.les maltraitants “malgré eux”.

Nous, le SNPPE, nous ne craignons pas les conséquences de ce rapport qui enfin informe et dénonce des conditions d’accueil en constante dégradation, une logique économique de rentabilité qui profite aux gestionnaires privés et une financiarisation du service d’accueil collectif des EAJE qui maltraite les enfants, les familles et les professionnel.les en favorisant les réductions de coûts de fonctionnement, de rentabilité et de remplissage des établissements avec des effectifs accueillis démesurés au regard des moyens structurels et institutionnels.

La seule réponse que Olivier VÉRAN, porte-parole du gouvernement,  donne c’est : « il y aura plus de contrôles, et nous ouvrirons 200 000 places d’accueil ». Par cette prise de parole, il montre que le gouvernement n’a pas compris ce rapport. Répression sur ces maltraitances qui sont le résultat de vos choix politiques, quelle hérésie! 200 000 places quand il manque 10 000 professionnel.le.s, quelle ironie!

Au SNPPE, nous réclamons tout ce que l’IGAS recommande également:

  • une revalorisation des salaires dénoncés comme insuffisants par les enquêteurs au vu de l’exigence de nos métiers auprès des Jeunes Enfants, pouvant ainsi favoriser l’attraction de nos métiers “La pénurie de professionnels n’impacte pas que le service rendu aux familles. Elle implique aussi pour les professionnels eux-mêmes une détérioration de l’exercice de leur métier qui prend de multiples formes” source IGAS.
  • Des programmes de formations forts aux lumières des dernières études et un ratio de 50% de professionne.le.s diplômé.e.s / 50% de professionnel.le.s non diplômé.e.s en permanence. L’accès à des formations continues.
  • l’abrogation de l’arrêté du 29 juillet 2022,
  • des conditions de travail décentes: notamment un taux d’encadrement optimal en lien avec le rapport des 1000 premiers jours et des revendications du collectif “Pas de bébés à la consigne” ou encore des conditions de QVT – Qualité de Vie au Travail – (le rapport dénonce l’absence de salle de pause dans certaines structures ou encore les niveaux sonores trop élevés),
  • et globalement une reconnaissance de ces métiers comme de vrais métiers qui requièrent des compétences et connaissances, des métiers exigeants émotionnellement et physiquement, où la pénibilité doit être aussi reconnue (risques physiques et psychosociaux)

Faire la sourde oreille et le mépris : c’est fini.

M. COMBE, nous sommes toujours prêts à vous rencontrer.

Et vous ?