Depuis leur reclassement en catégorie A effectif au 1er février 2019, de nombreux éducateurs de jeunes enfants (EJE) territoriaux s’interrogent : leur temps de travail doit-il toujours être comptabilisé selon les 1 607 heures annuelles ? Peuvent-ils se voir imposer des heures supplémentaires non récupérées ? Certains employeurs s’appuient sur ce changement de catégorie pour ne plus reconnaître les dépassements horaires, arguant d’une « autonomie » supposée liée au statut de cadre A.
Le SNPPE vous propose un éclairage clair et fondé juridiquement sur cette question essentielle.
Un principe inchangé : 1 607 heures par an
Dans la fonction publique territoriale (FPT), le cadre de référence en matière de temps de travail reste la durée annuelle de 1 607 heures. Ce plafond résulte du décret n° 2001-623 du 12 juillet 2001, auquel s’ajoute la journée de solidarité (+7h) introduite par la loi de 2004. Cette règle vaut pour tous les agents, y compris ceux de catégorie A, sauf exceptions précisément encadrées.
Le passage en catégorie A ne constitue pas en soi une dérogation à ce cadre.
Rappel : le reclassement des EJE en catégorie A
Le décret n° 2017-902 du 9 mai 2017 fixe le nouveau statut des éducateurs territoriaux de jeunes enfants, actant leur passage en catégorie A. Ce reclassement, initialement prévu pour 2017, a été reporté au 1er février 2019 par l’effet de l’article 49 du décret n° 2017-1736 du 21 décembre 2017, dans le cadre du dispositif PPCR (Parcours professionnels, carrières et rémunérations).
Les EJE sont donc officiellement reconnus comme des agents de catégorie A, au même titre que d’autres cadres de conception et d’encadrement de la FPT.
Mais l’autonomie supposée ne justifie pas l’absence de récupération
Certains employeurs s’appuient sur l’article 10 du décret n° 2000-815 (applicable à la fonction publique d’État) pour estimer que les agents de catégorie A — et donc les EJE — ne bénéficieraient plus du décompte horaire classique, du fait d’une « autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps ».
Or :
- Ce décret n’est pas applicable à la fonction publique territoriale ;
- Aucune disposition équivalente ne permet aujourd’hui une telle dérogation pour les EJE dans la FPT ;
- Surtout, dans la réalité de leur fonction, les EJE ne disposent pas d’une autonomie suffisante pour prétendre à un régime particulier. Ils sont soumis à des contraintes de présence physique dans les établissements, à des horaires imposés, à une réglementation stricte (code de la santé publique, projet d’établissement, continuité de service…).
Les critères de large autonomie ne sont ni atteints, ni justifiables dans le cadre des missions des EJE en EAJE, en RPE ou en responsabilité de pôle par exemple (coordination, direction de service, etc.). Par conséquent, le régime de droit commun s’applique : 1 607 heures par an, avec récupération ou compensation des heures supplémentaires effectuées.
Et si la collectivité a adopté une délibération spécifique ?
La réglementation prévoit que, en l’absence de décret, il revient à la collectivité territoriale, après avis du comité social territorial, de fixer localement l’organisation du temps de travail par délibération. Toutefois, celle-ci doit obligatoirement :
- Respecter les bornes définies par la loi (quotidien : 10h max, hebdomadaire : 48h max, etc.) ;
- Être compatible avec le statut réel des agents ;
- Et tenir compte du nouveau positionnement des EJE en catégorie A, ainsi que de leurs conditions effectives de travail.
Si une délibération a été prise avant 2019, sans révision depuis le reclassement des EJE, elle peut être obsolète. Si aucune délibération n’a été adoptée, le régime de base des 1 607 heures reste la règle.
Quelles garanties s’appliquent, même en cas d’annualisation ?
Même si le temps de travail est annualisé, les garanties minimales légales restent pleinement applicables :
- 10 heures maximum de travail effectif par jour ;
- 48 heures maximum par semaine, 44h en moyenne sur 12 semaines ;
- 11 heures de repos consécutif quotidien ;
- 35 heures de repos consécutif hebdomadaire ;
- Pause de 20 minutes minimum après 6 heures de travail ;
- Amplitude maximale de 12 heures par jour (début à fin de journée, pauses comprises).
Aucun aménagement du temps de travail ne peut déroger à ces exigences.
En résumé
- Le passage en catégorie A des EJE ne supprime ni la référence aux 1 607 heures annuelles, ni le droit à la récupération ou à la compensation des dépassements horaires.
- Les fonctions exercées dans les services de la petite enfance (EAJE, RPE, pôle) ne répondent pas aux critères d’autonomie permettant de déroger au régime horaire.
- En l’absence de délibération actualisée conforme aux textes, le régime de droit commun s’applique.
- Les garanties minimales de durée du travail et de repos s’imposent à tous les agents publics.
Le SNPPE invite tous les professionnels à vérifier les délibérations locales, à faire valoir leur droit à une organisation du travail conforme à la loi, et à signaler toute dérive ou application abusive du statut.
Des questions sur votre situation ? Contactez-nous.
Dans ce contexte, il est essentiel de se mobiliser pour faire respecter les textes au regard du statut en catégorie A des EJE.
Rejoindre le SNPPE, c’est agir collectivement pour défendre les droits des professionnels de la petite enfance, faire reconnaître nos réalités de terrain, et obtenir une meilleure application des règles statutaires.