Lors d’une séance de questions à l’Assemblée Nationale le 7 décembre dernier, Adrien Taquet, Secrétaire d’état en charge de l’enfance et des familles a annoncé avoir saisi le Conseil économique social et environnemental (CESE) d’un projet d’avis sur la création d’un service public  de la petite enfance (cf. l’article des Pros de la Petite Enfance). 

Le SNPPE a sollicité les rapporteures, Mmes Marie-Andrée BLANC et Pascale COTON pour être auditionné dans le cadre de la saisine pour témoigner des réalités des professionnel·le·s petite enfance et faire part de son analyse sur le secteur petite enfance et des besoins nécessaires à son développement.

Hélas, nous ne serons pas reçus mais nous avons été invité à rendre une note de synthèse . 

Monsieur le Président,

Vous avez sollicité l’avis du Syndicat des professionnel.le.s de la Petite Enfance au sujet de la saisine que vous a adressé le Premier Ministre en décembre dernier.

Vous trouverez donc ci-dessous, en retour, la note synthétique que le Bureau National du syndicat a préparé à l’intention de la commission des Affaires sociales et de la Santé.

Le constat posé en préambule par le Premier Ministre nécessite certains commentaires.

La transformation récente des Relais Assistant·e·s maternel·le·s en Relais Petite Enfance (RPE) avec une mission de «guichet unique» d’informations aux familles et d’inscription pour tous les modes d’accueil d’un même territoire, a pour objectif de répondre à la problématique posée en introduction des difficultés rencontrées par les familles.

Pour autant, il ne faudrait pas que ce système filtre et s’administratise en déshumanisant le premier contact. En effet, le premier accueil est déterminant entre les parents ou futurs parents et les professionnel·le·s. Or nous faisons part de constats qui remontent déjà d’agglomérations où ce guichet unique en place est ressenti comme un barrage et non comme un accompagnement.

Quant au deuxième constat posé, l’organisation de la vie professionnelle et familiale devrait être une préoccupation partagée des 2 parents mais aussi des employeurs tant publics que privés. Or, force est de constater qu’elle repose encore essentiellement sur les mères dont les revenus, dans notre pays, sont structurellement inférieurs, à travail égal. Ce phénomène s’amplifie à la naissance des enfants. Dans ce sens un congé « maternité » (qui devrait changer de dénomination et pourrait s’appeler congé famille, parentalité ou encore infantile par exemple), partagé équitablement par les deux parents, devrait être mis en place sur la première année de vie de l’enfant avec un maintien de revenus décent, n’obligeant plus les parents à réfléchir uniquement en logique économique, sacrifiant ainsi systématiquement le revenu le plus faible qui est celui des femmes.

Ensuite, le constat de l’érosion de l’accueil individuel est très bien décrit dans le rapport “Évaluation du crédit d’impôt famille”. Ainsi le rapport relève que « dans les 10 % de communes où l’augmentation de la capacité d’accueil a été la plus forte, avec 14 points d’heures de garde supplémentaires, quatre ans après l’enregistrement de cette augmentation de l’offre, la demande pour des heures rémunérées d’assistants maternels et de garde à domicile est réduite de 13 points ». (…) “La substitution entre les solutions d’accueil du jeune enfant apparaît à cet égard presque totale.” Face à ces constats et l’ensemble de ceux décrits dans ce rapport, le SNPPE s’associe aux conclusions des deux inspections demandant la “refondation ambitieuse de la politique d’accueil du jeune enfant”. Il devient urgent de s’attaquer à l’effondrement de l’accueil individuel car les collectivités territoriales ne pourront pas y faire face dans un contexte caractérisé par d’importants départs à la retraite, et d’une pénurie de professionnel·le·s dans les deux champs de l’accueil de la petite enfance. 

Par ailleurs, les financements de l’accueil des jeunes enfants par la branche famille portés, sur les territoires, par les CAF via la PSU (prestation de service unique) pour les EAJE sont tellement contraignants voire inadaptés que les collectivités territoriales se désengagent de plus en plus de la gestion directe de l’accueil collectif, ceci au profit du secteur privé lucratif. Cette marchandisation permet, pour certains groupes, un profit scandaleux (au détriment de la qualité de la prise en charge des publics et des conditions de travail des professionnel.le.s) sur des fonds essentiellement publics via le système PAJE (Prestation d’accueil du jeune enfant). De plus, cela empêche les familles aux revenus modestes, voire sans revenus, d’accéder à ces établissements qui prolifèrent tant la manne est prometteuse. Ceci détruit la volonté de mixité sociale mise en place depuis des décennies et par ailleurs annoncée, paradoxalement, dans tous les dispositifs de soutien à la parentalité, plan pauvreté, 1000 premiers jours de l’enfants, etc…

En conclusion, nous approuvons l’intention annoncée « d’un service public de la petite enfance défini comme le droit garanti, pour chaque parent qui le souhaite, à une solution d’accueil du jeune enfant à un coût similaire quel que soit le mode d’accueil » et attendons sa réalisation avec impatience car ce type de projet est souvent lié aux promesses électorales sans suite donnée.

Nous souhaitons aussi rappeler qu’un service public de la petite enfance ne peut être de qualité que si et seulement si la conciliation entre vie professionnelle et vie personnelle concerne aussi les professionnel·le·s de la petite enfance, composé·e·s en quasi intégralité de femmes. En effet, comment demander aux professionnel·le·s de mettre en œuvre cette politique s’iels n’en sont pas aussi les destinataires ? Comment faire un accueil de qualité, être bienveillant envers les enfants si les professionnel·le·s ne sont pas respectés eux-mêmes ?

Enfin, dans le cadre de ce service public, il nous paraît essentiel que :

–  Le système des financements de l’accueil (si l’on peut encore utiliser ce qualificatif) du jeune enfant soit complètement restructuré en un mode de financement unique et commun à toutes les modalités individuelles ou collectives d’accueil des jeunes enfants, avec un reste à charge nul pour les familles et d’un usage encadré et contrôlé ;

–  Les dispositifs de financements annexes ou par appels à projets (Plan pauvreté, 1000 jours, prime mixité, prime inclusion etc…) qui sont déjà en train de détruire le secteur social, médico-social et socio-culturel disparaissent au profit d’un financement unique, pérenne, réellement contractualisé et non imposé sans négociation ;

–  Le périmètre de la compétence soit clairement défini, encadré par un ministère de plein exercice afin que plus jamais un Secrétaire d’Etat ne puisse se défausser de ses responsabilités ; 

Nous vous prions d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de notre très haute considération.

Le Bureau National du SNPPE

Retrouvez la saisine gouvernementale et la note du SNPPE en version PDF téléchargeable.

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